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Aramis
28 mai 2007

COUR EUROPEENE DES DROITS DE L'HOMME & BDSM

Bonjour,

Je vais vous parler aujourd’hui d’un arrêt de la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH). Cet arrêt est intéressant car il aborde le cadre légal dans lequel le BDSM doit se situer. La loi ne règle pas tout, mais entre liberté et responsabilité, entre acte "normal" et acte trop dangereux, entre acte consensuel et acte contraint, il faut bien trancher et dire ou s’arrête l’un et ou commence l’abus.

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Au départ, c’est sur Wikipedia que j’étais tombé là dessus : « Dans les pays occidentaux, le sado-masochisme n'est pas interdit par la loi s'il se pratique entre partenaires adultes consentants /…/. Cependant, la Cour Européenne des Droit de l'Homme (CEDH) a statué dans l'affaire K.A. et D.D. c/Belgique le 17 février 2005 contre une pratique du sadomasochisme si la personne "esclave" demandait de façon expresse mais aussi tacite l'arrêt de ces pratiques. »

Cela m’a bien évidemment intrigué et j’ai fait quelques recherches. Je remercie cette chère Maîtresse P ( http://maitressep.over-blog.com/) pour m’avoir donné le lien qui m’a permis de retrouver l’Arrêt de la CEH. Elle a bien voulu répondre à la question déposée en ce sens sur le forum BDSM-Abus (http://bdsm-abus.positifforum.com/).

La Cour européenne des Droits de l’Homme a été créée à Strasbourg par les Etats membres du Conseil de l’Europe en 1959. Les arrêts de la Cour sont disponibles sur son site Internet (http://www.echr.coe.int) 

Je ne vais pas tout mettre ici vous trouverez le reste sur le lien :

http://www.echr.coe.int/fr/Press/2005/fev/Arr%C3%AAtdeChambreKAetADcBelgique.htm

Voici l'arrêt de la CEH :

ARRÊT DE CHAMBRE K.A. ET A.D. c. Belgique (17/02/2005) 

1.  PRICIPAUX FAITS, (voilà l’histoire !) 

Les requérants, K.A et A.D., sont deux ressortissants belges nés respectivement en 1945 et 1949 et qui habitent en Belgique. A l’époque des faits, K.A. qui était magistrat et A.D. médecin, s’adonnaient à des pratiques sadomasochistes avec l’épouse de K.A. De 1990 à 1996, ils fréquentèrent un club sadomasochiste dont les propriétaires firent l’objet d’une enquête judiciaire qui leur fut étendue. 

Le 30 septembre 1997, sur le fondement des articles 398 et 380bis du code pénal, la cour d’appel d’Anvers reconnut les requérants coupables de coups et blessures volontaires et jugea que K.A. était également coupable d’incitation à la débauche ou à la prostitution. Ce dernier fut condamné à une peine de an d’emprisonnement et 100 000 francs belges (BEF) (soit 2 478 euros (EUR)) d’amende avec sursis, assortie notamment de l’interdiction d’exercer pendant cinq ans toute fonction, emploi ou office public ; A.D. se vit quant à lui infliger un mois d’emprisonnement et 7 500 BEF (à savoir 185 EUR) d’amende avec sursis. 

S’agissant des coups et blessures, la cour d’appel nota que les requérants s’étaient livrés à des pratiques d’une extrême violence dans des locaux spécialement loués et aménagés à cet effet par eux, et que ces pratiques étaient d’ailleurs interdites par le règlement des clubs sadomasochistes précédemment fréquentés par K.A. et son épouse. 

Outre une grande cruauté, ces pratiques, qui ont été enregistrées sur des cassettes vidéo saisies lors de l’instruction, révèlent notamment que les prévenus ont plusieurs fois ignoré que leur victime suppliait qu’il soit mis un terme aux opérations en cours. La cour d’appel estima que les pratiques en question étaient tellement graves, choquantes, violentes et cruelles qu’elles portaient atteinte à la dignité humaine, et le fait que les prévenus continuaient de soutenir qu’il n’y avait ici qu’une forme d’expérience sexuelle dans le cadre du rituel du jeu sadomasochiste entre personnes majeures consentantes et dans un lieu fermé, n’y changeait rien. 

Par ailleurs, la cour d’appel estima établi que K.A. s’était également rendu coupable d’incitation à la débauche et à la prostitution, dès lors qu’il avait lui-même proposé aux dirigeants d’un club sadomasochiste que son épouse s’y livrât, comme « esclave » et moyennant rémunération, à des pratiques très violentes relevant de la débauche et de la prostitution, qu’il avait implicitement consenti à l’insertion de petites annonces dans ce but et avait fourni une aide matérielle en conduisant à quelques reprises son épouse au club en question et en allant chaque fois la rechercher et réceptionner l’argent, et cela pendant des mois. 

Note d’Aramis : Voilà de quoi faire réfléchir ceux qui pensent que le milieu BDSM et la prostitution réelle sont deux mondes bien séparés. Quand  il y a prostitution réelle d’une soumise (ou de soumis), on parle de proxénète, pas de Maître ou de Maîtresse.

Les requérants introduisirent un pourvoi en cassation qui fut rejeté par la Cour de cassation le 6 janvier 1998. Ayant relevé que K.A. avait sérieusement porté atteinte à la dignité de sa fonction de juge et que, dès lors, il n’était plus digne de l’exercer, la Cour de cassation prononça sa destitution le 25 juin 1998. Ce dernier perdit par la suite son droit à une pension de retraite du secteur public.

2.  EXTRAITS DE L’ARRÊT ET DES COMMENTAIRES DE LA CEH 

La Cour rappelle qu’il ne lui appartient pas de se prononcer sur la responsabilité pénale des requérants, cette appréciation incombant en premier lieu aux juridictions internes, mais qu’il lui incombe de s’assurer que, au moment où les accusés ont commis les actes qui ont donné lieu aux poursuites et à leur condamnation, il existait une disposition légale rendant leurs agissements punissables.

Note d’Aramis : Et oui, Tous les états se sont donnés le moyen d’intervenir si une personne, même consentante, est mise en danger.

La Cour note d’emblée que les requérants ne mettent pas en cause les dispositions sur le fondement desquelles ils ont été condamnés, mais allèguent que dans une « société permissive, libérale et individualiste », où des formes d’expérience sexuelle collective sont tolérées, le citoyen moyen ne serait plus choqué par nombre de pratiques, qui de ce fait ne devraient pas être pénalement répréhensibles. Quant à l’argument des requérants selon lequel leur condamnation n’était pas prévisible car il n’existe pas de précédent jurisprudentiel comparable, la Cour note que les pratiques en question étaient tellement violentes ‑ et donc sans doute tellement rares ‑ que l’absence de jurisprudence pertinente ne saurait guère étonner. Quoi qu’il en soit, l’absence de précédents ne pouvait être une circonstance empêchant les autorités nationales d’intervenir. Par ailleurs, quant à l’argument des requérants selon lequel ils n’auraient pas dû être condamnés car leurs victimes étaient consentantes, la Cour estime que K.A., qui était magistrat, ne pouvait ignorer le principe selon lequel le consentement de la victime n’annule ni le caractère illégal des faits, ni la culpabilité de l’auteur et, dès lors, ne constitue pas une cause de justification.

Note d’Aramis : Voilà qui réaffirme le principe selon lequel on reste responsable de ses actes. Le consentement (présumé, antérieur, ou même réaffirmé) d’une personne ne retire en rien les responsabilités de l’auteur des faits. Mais vous verrez qu’il n’y avait pas réel consentement.

Selon la Cour, deux éléments doivent être pris en considération. D’une part, il apparaît que les règles normalement reconnues pour ce genre de pratiques n’ont pas été respectées par les requérants : non seulement de grandes quantités d’alcool ont été consommées lors de ces séances, ce qui leur a fait perdre tout contrôle de la situation, mais en outre ils auraient également ignoré que la victime criait « pitié » et « stop », mots par lesquels il aurait été convenu entre les intéressés que ceux-ci devaient mettre fin aux opérations en cours. D’autre part, les requérants ont loué des lieux privés pour se livrer à leurs pratiques car ils les savaient interdites par le règlement des clubs sadomasochistes qu’ils fréquentaient jusque là. Or, les propriétaires ou gérants de ces clubs étaient et sont, du fait de leurs activités, spécialement à même d’évaluer les divers risques que peuvent comporter des pratiques sadomasochistes.

Note d’Aramis : On retrouve là une chose qui existe déjà outre-atlantique. A savoir que les bonnes pratiques BDSM sont connues et que leur non respect est interprété par la justice comme une préméditation d’un mauvais coup. On peut imaginer que la soumise était acoolisée pour l'affaiblir par exemple. Ici le safeword (mot d’arrêt) n’a pas été respecté. Ce n’est plus du BDSM, c’est donc une agression (et préméditée). Idem pour la notion de risque exagéré (donc mise en danger d’autrui).

Dans ces circonstances, les requérants ne pouvaient ignorer le risque de poursuites pour coups et blessures auxquels ils s’exposaient. La Cour tient par ailleurs à rappeler que les intéressés étaient respectivement professionnels du droit et de l’art de guérir.                                                      

La question à trancher est de savoir si l’ingérence dans le droit au respect de la vie privée des requérants était « nécessaire dans une société démocratique ». 

Le droit d’entretenir des relations sexuelles découle du droit de disposer de son corps, partie intégrante de la notion d’autonomie personnelle, laquelle notion peut s’entendre au sens du droit d’opérer des choix concernant son propre corps. Il en résulte que le droit pénal ne peut, en principe, intervenir dans le domaine des pratiques sexuelles consenties qui relèvent du libre arbitre des individus. Il faut dès lors qu’il existe des « raisons particulièrement graves » pour que soit justifiée, aux fins de l’article 8 § 2 de la Convention, une ingérence des pouvoirs publics dans le domaine de la sexualité.                                                                                                                                          

Note d’Aramis : Voilà qui précise les limites d’action d’un état en la matière. C'est aussi important ça. En angleterre des prtaquants "sains " ont eu des problèmes à une époque encore récente. Mais avec cet arrêt, les choses commencent à s'éclaircir.

En l’espèce, la Cour estime qu’en raison de la nature des faits incriminés, la condamnation des requérants n’apparaît pas être une ingérence disproportionnée dans leur droit au respect de la vie privée. Si une personne peut revendiquer le droit d’exercer des pratiques sexuelles le plus librement possible, le respect de la volonté de la « victime » de ces pratiques -dont le propre droit au libre choix d’exercice de sa sexualité doit aussi être garanti- constitue une limite à cette liberté. Or, tel ne fut pas le cas en l’espèce.

Note d’Aramis : En clair, le libre choix est inaltérable. A tout moment une personne doit avoir le moyen d’exprimer son avis et de cesser toute pratique. Vous devez donc intégrer cela dans l'oragnisation de vos pratiques. Toute forme de contrainte détournée (climat de peur, alcool etc...) sera interprétée comme une non-consensualité en cas de problème.                                                                                             

Il apparaît en effet que les engagements des requérants visant à intervenir et arrêter immédiatement les pratiques en cause lorsque la « victime » n’y consentait plus n’ont pas été respectés. De surcroît, au fil du temps, toute organisation, tout contrôle de la situation étaient devenus absents. Il y a eu une escalade de violence et les requérants ont eux-mêmes avoué qu’ils ne savaient pas où elle se serait terminée.                                                                            

Note d'Aramis : La CEH reconnaît donc laux Dominants le devoir de prendre les précautions d'organisation pour que tout se passe sans danger excessif et de façon consensuelle. C'est quand même intéressant !         

Dans ces circonstances, la Cour considère que les autorités belges étaient en droit de juger que les poursuites engagées contre les requérants et leur condamnation étaient des mesures nécessaires dans une société démocratique à la protection « des droits et libertés d’autrui ».

FIN DU TEXTE DE LA CEDH

En conclusion, je vous laisse réfléchir sur l’arrêt de la Cour Européenne. Ce qui est clair c’est que vous êtes responsables de vos actes. A tous ceux qui fantasment un peu trop, qui mélangent rêve et réalité, ou tout simplement qui ne respectent pas leur partenaire, je dirai «arrêtez de rêver ! ». Si vous faites le proxénète, vous êtes un proxénète, si vous ne respectez pas un safeword vous êtes un agresseur, si votre soumise est apeurée et n’ose pas dire stop, c’est pareil. Dans ce dernier cas par exemple c’est un refus tacite de sa part. Vous serez considéré comme le sachant pertinemment. C’est pourquoi les pratiques SS&C ont été développées. Elles protègent aussi les Maîtres et les Maîtresses. Un « safeword » respecté, l’emploi du codes des couleurs prouve au moins vos bonnes intentions. Si vous mettez une personne en danger physique ou moral (de façon grave évidemment), c’est répréhensible. Dans tous ces cas surtout, il n’est pas nécessaire que la victime porte plainte. Il suffit qu’un procureur ou les services sociaux, ou une association d’aide aux femmes victimes, décide d’intervenir.

Mais bon, en général, tout se passe au mieux pour le plaisir de chacun. La preuve, "l'est-y pas beau" ce sourire ?

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Et tout le monde a le droit de vivre ses pratiques sexuelles comme il l’entend, seulement il faut savoir que si ça ne se passe pas bien, il y a toujours des recours.

Amitiés,

Aramis.

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Commentaires
A
Bonjour Aaricia,<br /> <br /> je vois maintenant seulement ton commentaire. A partir du moment ou la source d'un article est citée il n'y a aucun problème. Au contraire le web est là pour faire diffuser des idées. Au delà de citer ses sources, l'idée c'est aussi que le lecteur puisse se faire sa propre opinion en remontant au(x) texte(x) originaux.<br /> <br /> Cordialement,<br /> <br /> Aramis
L
Bonjour,<br /> <br /> J'avais supprimé ton article que j'avais mis sur mon blog car effectivement je me permettais au paravant quelques libertés.<br /> <br /> J'ai mis ton article à nouveau en te mettant en lien si cela te pose problème.<br /> <br /> Merci de me le faire savoir afin que je le supprime.<br /> <br /> Cordialement,<br /> <br /> Lady Ariciaa
A
Bonjour et merci devotre commentaire chère Aricia. Je suis tout à fait d'accord avec vous. Finalement, nous sommes là tout simplement pour profiter de la vie. Le BDSM n'est qu'un moyen de plus pour s'épanouir, du moins c'est ce qu'il devrait être. Heureusement je crois que l'immense majorité des pratiquants ont les pieds sur terre et ont le sens des valeurs humaines. Si bien que des excès (criminels il faut le dire) comme ceux décrits dans ce texte sont rares. Toutefois, il faut bien mettre les gens en garde, C'est comme partout, on peut faire de bonnes rencontres ou de mauvaises. Ilest donc important d'être informé.<br /> <br /> Amitiés,<br /> <br /> Aramis
M
Cela me fait mal ce genre d'histoire car cela gache et noircit l'image du bdsm qui peut être tendre et compréhensif dans une relation où l'amour est présent. Une relation complice où tous les deux s'épanouissent, enfin... !
A
Isa, m, nous n'allons pas refaire ici les discussions du forum abus-bdsm. Il est clair que si une dérive se produit, le plus difficile est de faire prendre conscience à la victime qu'elle en est une. Ensuite il faut l'aider à réaliser qu'elle a des recours légaux. L'arrêt de le CEDH montre bien que même après coup il y a des recours. En même temps cet arrêt protège raisonnablement les pratiquants puisqu'il faut des raisons "graves" pour qu'un état intervienne (et pour le cas anglais, l'intervention de la justice était abusive je crois). Mais l'arrêt de la CEDH ouvre une porte pour les associations qui auraient connaissance d'abus et qui peuvent saisir un procureur (je pense à un cas d'outing récemment cité par exemple ou à d'autres cas plus anciens sur des personnes fragiles dont j'ai enentendu parler). Mais nous ne sommes qu'au début, au tout début d'une sortie de "jungle" dans ce domaine.<br /> Amitiés,<br /> Aramis.
Aramis
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